Les Intelligences Artificielles (IA) dites génératives (Il s’agit d’une sous-catégorie d’IA utilisant du machine learning pour générer de nouvelles données qaui ressemblent à des données existantes pour faire simple), ne cessent de défrayer la chronique, le plus médiatisé étant Chat-GPT. Entre aveuglement béat et peur panique, tous les experts nous abreuvent de leurs opinions. Pour le commun des mortels, cette rupture technologique, semble cependant lointaine et abstraite, et pourtant…
Pourquoi Chat-GPT fait-il autant parler de lui ? Il y a de multiples réponses à ce questionnement, qui viennent de l’approche particulière d’Open-AI et des progrès globaux observés dans le fonctionnement générale des IA. L’augmentation des capacités de calcul des puces dédiées à l’IA, et le volume de donnée immense que représente internet donne une capacité inégalée d’apprentissage, même s’il existe des risques quant à la qualité des jeux de données mise à disposition pour l’apprentissage.
Bien que cela fasse plusieurs dizaines d’années que l’on parle d’IA, il faut reconnaître que les premières tentatives, étaient assez approximatives. Et, oui, sans forcément le réaliser, vous vous êtes tous essayé à l’utilisation d’IA à une occasion ou à une autre si vous êtes de grands consommateurs de smartphones, tablettes ou ordinateurs. Quelles applications ? Ce sont les aides à la rédaction des messages (sms ou messageries) sur vos smartphones, que cela soit du côté Android (Google) ou IOS (Apple), on retrouve aussi ces fonctionnalités dans les mails cloud comme gmail (Google) et bien d’autres. Reconnaissons que les performances étaient assez approximatives… Puis il y a eu les assistants « Ok Google » ou « Ok Siri », ou encore « Alexia » (Amazon). Là encore si des avancées étaient observables, il existait beaucoup de questionnement, sur la pertinence de ces assistants et sur la façon dont les éditeurs les amélioraient (utilisation d’enregistrement de vos conversations…).
En quoi Chat-gpt et les autres IA développées à partir des briques technologiques OpenAI changent-ils la donne ? Il s’agit d’un modèle de langage dit « Generative Pretraining Transformer » d’où les initiales. Le cœur de l’architecture de ce modèle est une structure appelée « Transformateur » , un réseau neuronal qui utilise une méthode particulière dite « attention » qui permet de déterminer quels mots dans l’entrée sont les plus pertinents (statistiquement) pour prédire chaque mot suivant. Chat-GPT utilise une variation de ce modèle, spécifiquement conçu pour la génération de texte. Le pré-entrainement a été fait sur une base de données extraites d’internet (jusqu’en septembre 2021 pour la version gratuite).
L’accélérateur a été pour OpenAI d’ouvrir leur outil à l’ensemble des internautes qui souhaitaient tester l’outil. Cette large ouverture a permis une amélioration drastique du modèle grâce aux contributions de l’ensemble des utilisateurs, et par ailleurs a permis de se faire une notoriété marquante par rapport à l’ensemble de ses concurrents. Cependant, il est à noter que le coût estimé au maintien opérationnel journalier est de l’ordre de 700,000$/jour ce qui ferait un coût de 36cents par requête…
Ce qu’il faut noter, c’est que l’accélération de l’innovation est notable, nous étions à Chat-GPT 3.5 en fin d’année et nous sommes dorénavant à la version 4.5. Il existe des plug-in permettant notamment (formule avec abonnement) de naviguer sur l’internet actuel et donc de ne pas rester cantonné aux données d’entraînement qui s’arrêtaient à septembre 2021. Il est attendu que l’augmentation des capacités de calcul combinée à l’utilisation va permettre de grands progrès, même s’il ne faut pas oublier qu’il s’agit de prédiction de mots et donc la cohérence et la pertinence des réponses fournies restent à vérifier et à ne pas prendre pour argent comptant.
En dehors de l’aspect ludique que peut présenter Chat-GPT, quels bouleversements peuvent être attendus par l’arrivée de ces IA génératives, que cela nous plaise ou pas ? Les potentialités de gain de productivité et d’efficacité dans le secteur des métiers « intellectuels » sont faramineuses. Il existe déjà des secteurs, comme la presse (Allemande) où le virage a été pris, avec une réduction du nombre de pigistes. Il en faut moins, l’IA remplaçant les départs, avec de plus souvent une orthographe et une grammaire irréprochable. Les domaines comme le marketing, la finance, la santé, la justice et j’en oublie assurément vont voir leurs métiers et leurs besoins en ressources drastiquement modifiés, et ces changements risques d’être brutaux et d’arriver beaucoup plus vite que nous ne l’imaginons…
Beaucoup pensent que nous sommes à l’aube d’une nouvelle révolution semblable à celle des années 80-90 qui ont vu la robotique changer complètement la nature de métiers manuels, pénibles et répétitifs, mais cette fois-ci cela toucherait plus particulièrement les « col-blancs »…
C’est ce que l’on risque d’observer sur le court terme (3 à 5 ans) Et à ceux qui imaginent que nombres de métiers manuels seraient préservés, je me permets quelques doutes. En effet, si la focale est faite sur les IA Génératives, il ne faut pas oublier que la robotique progresse elle aussi sans cesse comme le démontre les vidéos de Boston Dynamics que l’on peut retrouver notamment sur la chaîne youtube. Imaginons l’alliance de la robotique qui utilise déjà des briques de l’IA, couplé à la puissance d’une IA générative de type Chat-GPT ? (Des métiers du soin ou de l’aide à la personne pourrait être rempli) N’oublions pas non plus tous les autres secteurs dans lesquels l’automatisation est de plus en plus poussée : véhicules autonomes, drones, robots livreurs, etc.
D’ailleurs, si nous interrogeons Chat-gpt sur les impacts d’une généralisation massive de l’utilisation des IA Génératives, il nous propose plusieurs scénarios possibles. Le premier est l’avènement d’une société « post-travail » où l’automatisation massive des emplois, pousserait les gens à passer la majeure partie de leurs temps en loisir et activités créatives (avec Chat GPT ? Midjourney?) Cela sous-tend la nécessité d’instaurer un revenu universel… Mais cela pose plusieurs problèmes, quid de la réalisation de soi par le travail ? Ou encore quel serait le corollaire non-dit de cette situation ? Compte tenu du modèle économique actuel pour qu’il perdure, la majorité de la population ne serait-elle pas cantonnée au rôle restreint et unique de super consommateur… Cette consommation nécessaire pour que les entreprises génèrent du chiffre d’affaire, croissent et continuent d’innover, entraînant pour éviter l’effondrement du modèle à une obligation de consommer pour la population allocataire...
L’autre vision proposée par Chat gpt n’est pas forcément plus réjouissante, nous aboutirions à une société à deux vitesses entre ceux qui auraient les compétences pour travailler avec les IA de par leur capacité à interagir habillement avec pour en tirer le meilleur et les autres, laissés pour compte avec un accroissement exponentiel des inégalités.
Le dernier scénario impliquerait une éducation et une formation continuelle de l’ensemble de la population. Ce mode de fonctionnement serait la norme afin de permettre aux personnes de maintenir leurs compétences et de rester pertinent sur le marché du travail, mais a-t-on tous la capacité et l’énergie à se former continuellement ? Ne risque-t-on pas là aussi une société à plusieurs vitesses ?
Ne parlons pas des conséquences sur notre capacité à apprendre alors que la connaissance sera à notre disposition par une simple interrogation. Aura-t-on encore le goût d’apprendre ? Peut-on se contenter de savoir, sans faire ?
Comme vous pouvez le constater cette révolution technologique, qui nous arrive à la vitesse d’un cheval au galop, doit nous inspirer une saine inquiétude et ce afin d’en discerner tous les risques afin d’en tirer le meilleur pour notre bien commun. Il semble qu’hélas la réflexion sur ces sujets n’est laissée qu’à des spécialistes ou ingénieurs grisés peut-être par l’innovation en tant qu’innovation, mais ne voyant pas ou ne voulant pas voir les dangers qui affleurent. De plus dans notre pays, on peut regretter le faible intérêt montré par nos forces politiques à saisir à bras le corps ces thématiques et notamment la nécessaire transformation de notre système d’éducation face à ces nouveaux challenges…
Une dernière remarque concernant ce sujet, compte tenu des différents éléments abordés dans ce texte, comment penser cette révolutions technologiques dans un monde aux ressources finies et où l’énergie finira pas ne plus être abondante et bon marché… Une civilisation hyper technologique, peut-elle durer ? Quels impacts pour l’Homme, devant une dépendance sans cesse plus importante à la technologie? Notre destinée est-elle de devenir un simple rouage interchangeable dans un grand machin technique où la nature n’aura plus son mot à dire ?