Souveraineté numérique : La souveraineté numérique, un enjeu de défense nationale !


Souveraineté numérique : La souveraineté numérique, un enjeu de défense nationale !

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Article N°25790

Souveraineté numérique : La souveraineté numérique, un enjeu de défense nationale !

Vous trouverez ce nouvel article publié sur Effisyn SDS, où l'on aborde la souveraineté numérique sous l'angle de la défense nationale.
Devant la numérisation de l'ensemble des pans de notre société dont la partie militaire, il faut aussi s'interroger sur certains de nos choix, lorsque l'on voit la place majeure du numérique dans nos forces armées.

La souveraineté numérique, un enjeu de défense nationale !

Pour beaucoup, mon combat pour le maintien ou plutôt la reconquête de notre souveraineté numérique est un combat vital. Je sais que pour beaucoup, cela semble passéiste et bien futile. Dans cet article, je vais essayer de vous montrer un angle qui est assez peu abordé, et vous conviendrez peut-être ensuite que c’est finalement un combat à mener.
Je ne reviendrai pas dans cet article sur les aspects industriels qui sont certes aussi vitaux de mon point de vue, mais qui ne sont pas l’objet de cet article. Nous n’aborderons pas non plus les aspects culturels et éducatifs. Enfin, tous ces sujets que sont l’économie, la culture, la démocratie et la technologie où la souveraineté numérique est cruciale ne seront pas couverts ici.
Non, l’angle sous lequel je cherche à aborder la souveraineté numérique est celui de notre défense nationale qui est non seulement un des piliers régaliens du pouvoir démocratique français et qui en lui-même est un enjeu de souveraineté crucial.

Notre dissuasion nucléaire.
Cela peut paraître assez abstrait pour nombre d’entre nous, cependant depuis l’arrêt des essais nucléaires français sous Chirac (juste après une reprise temporaire en 1995), le maintien de notre capacité nucléaire dépend de notre capacité à modéliser et simuler les essais. Pour se faire il est nécessaire de posséder des supercalculateurs de top niveau. C’est pourquoi Atos et le CEA coopèrent pour offrir un calculateur EXA1, le plus puissant et le plus économe d’Europe (Silicon – 17 nov 21), qui joue un rôle essentiel dans le maintien opérationnel de notre dissuasion nucléaire…
Ces simulations sont nécessaires non seulement pour développer de nouvelles têtes nucléaires, mais aussi pour le développement de nouveaux missiles. On peut supposer que le développement de notre planeur hypersonique a lui aussi nécessité l’utilisation de supercalculateurs…

L’armée de l’Air et de l’Espace
Il est important à notre époque de disposer d’un outil industriel robuste qui permet de maîtriser la chaîne complète nécessaire à la constitution d’un système d’armes complexes qu’est un avion de combat moderne.
En effet l’évolution technologique est telle, que de nombreuses technologies sont utilisées et doivent communiquer entre elles. Et il ne s’agit pas seulement de l’avion seul, en effet dans une guerre moderne l’avion doit être en capacité de communiquer avec différents systèmes, avions radars, satellites, équipes au sol, navire, etc…
Où se niche le numérique dans tout cela ?
Tout d’abord dans la conception des différents éléments classiques de l’avion (empennage, ailes, fuselage, etc…) il faut donc pour cela des outils de conception assistée par ordinateur. Et dans ce domaine nous avons de la chance, car nous avons Dassault Aviation qui a ses propres outils, et qui a pu en faire un spin-off Dassault Systems qui a pu ainsi apporter son expertise dans plusieurs secteurs industriels (industrie automobile, mais aussi la santé)
Mais le numérique ne s’arrête pas à la conception de l’avion, il intervient aussi dans la réalisation des moteurs, notamment dans sa conception. Et là aussi nous avons un acteur français qui intervient, le Rafale est équipé de 2 M-88 de la Snecma, qui a été absorbé et fait partie du groupe Safran. Safran ne s’occupe pas seulement des moteurs, mais aussi des commandes de vol numériques et toutes l’instrumentation nécessaire à l’avion pour voler.
Nous avons aussi le radar qui est un élément clés du système d’armes. A l’origine (1991) a été mis en place le RBE2 développé par Thomson et Dassault Aviation qui a été l’un des tous premiers radars multifonctions à polyvalence élargie. Il a été remplacé en 2006 par le RBE2 AESA développé par Thales. Là aussi le numérique joue un rôle clé, devant l’énorme quantité de données à analyser, traiter et transformer en informations pertinentes pour le pilote.
Je ne parles pas des systèmes de connexion haut-débit permettant de s’interfacer avec différents systèmes externes comme les avions awacs (avions radar), les troupes au sol, des équipements de reconnaissance sous nacelle, des équipements optroniques, et bien entendu les missiles, etc…
Il faut donc être en capacité d’avoir des réseaux de communications de données et de traitement mais tout cela en mode hypersécurisé. Comme vous pouvez l’imaginer les technologies d’analyses des données en temps réel et de cybersécurité sont clés dans ce domaine. Thales joue un rôle important dans cette composante, notamment avec son offre Cloud de défense mise à disposition de l’Otan notamment (Le Figaro 25 jan 21).
Devant l’évolution des tensions internationales et la compétition entre les différentes forces en présence, Etats-Unis, Chine, Inde par exemple nous avons dû inclure la composante spatiale dans ce corps d’armée. L’espace se militarise, et l’importance de pouvoir protéger nos systèmes de communications et d’observation qui reposent sur nos satellites est une préoccupation majeure.

La Royale (notre marine)
Là encore le numérique intervient à tous les niveaux, de la conception, à la gestion des systèmes d’armes de détection, et la gestion de l’interopérabilité avec les différents autres systèmes d’armes, que cela soit d’autres navires de la Royale ou de nos alliés, mais aussi les hélicoptères embarqués, les drones, ou encore les awacs…
Une nouvelle fois la nécessité d’avoir les calculateurs capables de traiter en temps réel à l’énorme quantité de données est capital.
Il y a deux composantes, à la Royale, pour schématiser très grossièrement. Il y a les unités de surfaces et bien entendu la composante sous-marine… Et nous avons là encore une filière d’excellence avec Naval Group, qui réalise des navires de combats aux capacités innovantes.
Là encore l’interopérabilité avec les autres corps d’armes est critique, et là encore l’acteur majeur de notre industrie de la défense Thalès a été mis à contribution pour l’implémentation du système de communication par satellite sécurisé SYRACUSE (Businesswire 18 Fev 21)
Il est à noter que la guerre moderne nécessite des composantes de guerre électronique et de cyberdéfense. L’arrivée des nouvelles frégates que sont les FDI (Frégate de Défense et d’Intervention), offrent des capacités importantes dans ce domaine de par leur conception dès l’origine tournée vers le numérique. Chacune de ces unités contiennent à leur bord 2 data centers (Challenges 24 oct 19).

La composante terrestre
Cette composante, souvent considérée comme moins technologique a cependant fait elle aussi sa mue numérique. Même si pour être honnête la composante communication a toujours été une composante importante de cette arme.
Cette transformation, est rendue visible notamment à travers le programme Scorpion, qui inclut les trois nouveaux véhicules blindés (Griffon, Jaguar et le Serval) mais aussi la rénovation du char Leclerc. La caractéristique principale de ce programme c’est la composante nouveau système d’information SICS, qui offre la possibilité d’une intégration interarmes poussée au niveau tactique, offrant les outils nécessaires d’exploitation, de combat et de commandement pour le combat collaboratif. L’armée de terre a de nombreux systèmes d’armes performants qui nécessitent l’utilisation des technologies de l’information et de l’analyse de données massives en temps réel, permettant notamment des tirs d’artillerie de haute précision (système ceasar)
L’évolution de l’environnement géostratégique avec une probabilité plus forte de conflits à haute intensité, rend ses évolutions plus critiques. La nécessité de haute interopérabilité entre chacune des composantes de l’armée avec des problématique de capacité de traitement de l’information en temps réel, de sécurisation de l’information et des communications et de résilience des systèmes.

Les composantes transverses et innovantes
L’ensemble de nos composantes ont la nécessité d’utiliser de nouveaux systèmes d’armes, qui font appel aux nouvelles technologies et à la numérisation. Cette percée des nouvelles technologies se retrouve dans le recours de plus en plus massif aux drones, aériens, terrestre ou navals. Dans ces secteurs on retrouve des acteurs industriels établis comme Thales ou Naval group, mais on retrouve aussi des acteurs du civil comme Parrot. Nous avons aussi le développement d’équipements pour aider les militaires qu’ils soient de l’infanterie ou pour d’autres tâches, grâce à l’arrivée des exosquelettes.
Le développement de start-up dans le domaine de la défense est aussi clé, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer dans un article précédent (Effisyn SDS 9 – nov – 2021) où plusieurs start-up innovantes ont été mise en lumière comme Preligens (anciennement earthcube) qui a développé des algorithmes permettant l’analyse tactique et stratégique des imageries spatiales nécessaire à l’armée. Citons encore Unseelab spécialisé dans la surveillance maritime, Aleph (groupement GICAT) spécialisé dans la cybersécurité, ou encore Cerbair start-up qui propose des solutions pour lutter contre la menace des drones, mais ce ne sont pas les seules !
Il y a d’autres domaines peu flamboyants où les innovations sont importantes, par exemple avec l’utilisation de l’impression 3D pour faciliter et rationaliser la maintenance notamment des Rafales, proposé par Dassault.
Devant les changements profonds impliqués par la numérisation, le ministère de la défense a mis en place son Agence de l’innovation de défense, ainsi que la fameuse « Red Team » pour essayer d’anticiper les menaces de demain…

Conclusion
Les deux enseignements que je tire de ce bref panorama de la défense nationale, est que tout d’abord le numérique a diffusé dans l’ensemble des strates de la société et que la défense n’y échappe pas. Cela a des conséquences, si nous désirons conserver notre indépendance géostratégique et notre simple capacité à nous défendre. Sans souveraineté numérique, nous serons soumis ou dépendant de technologies de pays fournisseurs qui pourraient ne pas ou ne plus avoir d’intérêts convergents avec nous, voire d’avoir des intérêts divergents. Sans parler de la dépendance de notre infrastructure civile qui pourrait servir de levier à notre encontre.
Le deuxième enseignement, c’est ce que les innovations produites initialement aux bénéfices de la défense diffusent dans le secteur civil et le stimule. Il est donc regrettable que les banques ne jouent pas leur rôle dans ce secteur. Toute start-up passant sous pavillon étranger car n’ayant pas reçu l’appui des banques française, c’est non seulement une perte au niveau défense, mais aussi au niveau civil sans parler des possibilités de développement industriel et économique qui partent sous d’autres cieux économiques.
Enfin, il est regrettable que des activistes minoritaires, souvent piloter directement ou indirectement arrivent à dissuader les grandes banques françaises à dédaigner l’investissement dans ce secteur critique pour notre souveraineté. Cet état de fait obligeant le gouvernement à mettre en place des modes de financements alternatifs, comme le fonds d’investissement défense Definnov (Opex – 4 dec 21)
La défense nationale est donc aussi un des leviers sur lequel il faut bâtir et renforcer notre souveraineté numérique.

Emmanuel MAWET

Lien :www.effisyn-sds.com

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