Depuis des dizaines d’années les américains utilisent leur domination dans le numérique avec l’appui de leurs lois extraterritoriales pour mener une guerre économique sans relâche avec leurs seuls intérêts en ligne de mire. Ces actions sont menées aussi bien à l’encontre de leurs adversaires ou ennemis, mais n’épargnent pas non plus leurs alliés, et ce afin de prendre contrôle de fleurons technologiques, ou pour empêcher l’apparition de concurrents sérieux à leur hégémonie. Les cibles ne sont pas seulement des entreprises du numériques, mais cela peut-être des entreprises stratégiques dans le domaine de l’énergie, comme la célèbre affaire Alstom et ses turbines Arabelle, bradées à General Electric (GE) suite à une action concerté de la Justice américaine et de GE et la complicité de politiques français dont un qui est au plus haute fonction de l’état désormais (L’Amérique cet Allié qui nous veut du mal – 07/11/2022 / Interview vidéo de F. Pierucci – 21/02/2023).
Le rappel de ce contexte est important car il montre une stratégie constante des Etats-Unis sur le sujet et ce quel que soit le camp politique du locataire de la Maison Blanche.
Le retour aux affaires de Trump, accompagné de sa brutalité semble avoir créé une prise de conscience, à minima dans les discours, de la nécessité de nous libérer de notre dépendance aux outils américains. Mais qu’en est-il dans les actes ?
Le résultat est au mieux mitigé, au pire frise l’immobilisme voir pire. Reprenons quelques exemples emblématiques:

• Le Health Data Hub, le site qui collecte et agrège les données de santé de tous les français afin de permettre des travaux de recherche est toujours sur les serveurs Azure de Microsoft, malgré la mobilisation du numérique français, notamment de Philippe Latombe député expert des questions du numérique ou encore de Catherine Morin-Desailly elle-même très en pointe sur ces sujets.
• L’éducation nationale censée sortir d’O365, doctrine du cloud au centre (doctrine qui a été précisée et qui impose de choisir des solutions clouds immunes aux lois extracommunautaire - légiFrance), renégocie avec Microsoft pour continuer comme si de rien n’était…
• L’école Polytechnique qui veut passer l’hébergement de ses données sur du Microsoft, avec pour défense, « non mais seulement les données administratives », comme si elles ne contenaient pas des données sensibles concernant nos futures élites.
• Ne parlons pas des offres Bleu d’Orange et s3ns, des propositions d’entreprises françaises Orange et Thalès basées sur les fournisseurs cloud américains revendiquant cependant l’indépendance aux lois extraterritoriales…
• Ursula Von Der Leyen a-t-elle fait tomber le Privacy Framework ? Non, que nenni bien qu’il n’y a pas d’équivalence de protection de nos données en droit américain et droit européen, rétablissement d’un accord cadre d’échanges des données entre Amérique et Europe en revendiquant une hypothétique protection des données entre Amérique et Europe et qui est plus connu sous l’intitulé échange des données européennes contre du gaz américain, suite à la guerre d’Ukraine (Lettre ouverte du Député P. Latombe - 2024)

Et pourtant la dernière en date du président Trump devrait plus qu’alerter. En effet, lors d’une visite à Bruxelles le président de Microsoft l’assurait il défendrait les intérêts et données des Européens. Cependant quelques jours après, à la demande du président Trump, l’accès aux outils Microsoft dont la messagerie de la Coup Pénale Internationale et autres services utilisés par la CPI et le procureur de La Haye Karim Khan, était suspendu (LeMagIT – 27 mai 2025). Ceci n’était pas sans rappeler une décision similaire d’Adobe à l’encontre du Vénézuela en 2019 (Clubic – 9 octobre 2019) qui suite à un décret présidentiel a décidé de bloquer l’ensemble des comptes vénézuéliens d’Adobe...

Face à ce qui est un risque majeur pour notre nation et nos entreprises, quelles sont les décisions concrètes prises et malgré les alertes répétées des acteurs du numérique ou du Député Latombe, la dernière en date concernant la mutuelle Alan (Question au gouvernement 7230 – Smartrezo 04-juin-2025) ? La réponse tient en un mot, IMMOBILISME. Aucune stratégie cohérente, et sans surprise, aucune action de grande ampleur n’a été entreprise pour protéger les français et les européens sur le sujet. II semblerait que seuls des acteurs économiques tels que les PME prennent la juste mesure de la problématique et commencent à basculer sur des solutions souveraines alternatives, c’est le cas aussi de quelques collectivités dont le nombre se compte sur les doigts d’une main.

Cet atermoiement est d’autant moins compréhensible qu’il met en danger de façon volontaire nos administrations et groupes publics et continue de fragiliser nos entreprises du secteur du numérique. En effet, un mouvement massif permettrait probablement de faire des économies (les solutions françaises pouvant être moins chère) mais aussi et surtout permettrait de consolider la situation économique de nombreux acteurs français avec un impact positif sur l’emploi à court et moyen termes. Compte tenu de l’état de nos comptes public, faire des économies tout en favorisant l’emploi ne pourrait qu’apporter un peu d’oxygène à nos finances publiques exsangues…

Combien de temps encore devrons nous attendre ce sursaut ? S’il ne devait arriver, on pourrait finir par se demander si nos décideurs politiques et de l’administration n’œuvrent pas finalement à la destruction de ce qui reste de notre économie et de notre industrie. Nombre d’acteurs du numérique français alertent, mais sans succès, tous font le même amer constat comme dernièrement Tariq Krim dans sa dernière newsletter (Cybernetica – 9 juin 2025), cependant comme de nombreux acteurs du numérique français, il s’indigne, mais pour porter son indignation il propose sur LinkedIn de créer un groupe Signal pour partager une réflexion à conduire, deux outils américains ! Et c’est là que le bas blesse, nous portons tous notre part de responsabilité en ne priviligiant pas nos propres outils et plateformes numériques comme Smartrezo comme plateforme de média collaboratif et Réseau Social souveraine et éthique ou encore Olvid comme messagerie sécurisée, ce ne sont que quelques exemples que de mon côté j’utilise quotidiennement, mais il en existe de nombreuses autres. Si nous arrêtions de communiquer en premier sur les outils américains, cela serait une première révolution, qu’en pensez-vous ?
 

Emmanuel MAWET

Lien :https://effisyn-sds.com/2025/06/09/rdv-du-numerique-notre-dependance-au-numerique-americain-vers-un-reveil-francais/